Judith Joy Ross : Photographies 1978-2015

Fondé par Raymond Depardon en 2010 dans un ancien cabaret, « hôtel d’amour » et salle de bal derrière la place de Clichy, le BAL est un lieu dédié à l’image, un lieu d’exposition et de confrontation au réel. La photographe américaine Judith Joy Ross y a sa première exposition personnelle en France, où elle est longtemps restée méconnue. Plus pour longtemps…

Une technique rare

À 76 ans, elle est l’une des plus grande portraitistes de notre époque. Née en 1946 dans la cité minière de Hazleton, dans le nord-est de la Pennsylvanie aux États-Unis, Judith Joy Ross a toujours su qu’elle deviendrait artiste. En prenant sa première photographie, elle a compris que ce serait son medium. Elle travaille à la chambre photographique, comme dans les premiers temps après l'invention de la photographie, avec un lourd appareil de grand format monté sur un trépied qui l’oblige à effectuer les prises de vues une par une. Elle imprime ensuite ses tirages en noir et blanc par contact, un procédé où le négatif est placé directement sur le papier puis révélé à la lumière du jour, évitant les forts contrastes.

Tisser un lien humain

Judith Joy Roy a ainsi trouvé le moyen de toucher le monde, de se connecter à l’autre, de faire de l’Homme son sujet. Elle immortalise ses rencontres éphémères : des ouvriers, des profs, des cuisiniers… Des travailleurs des classes moyenne, ni riches ni oisifs. Le silence de ses modèles, le regard perdu vers l’horizon ou nous fixant, laisse place à l’imagination et raconte une histoire. Sous son objectif, ces inconnus deviennent les personnages d’un théâtre de la vie. On devine leurs rêves, leurs espoirs, leurs peurs. « Nous réalisons ensemble la photographie », explique-t-elle. « Ils me donnent, je reçois. Je les encourage, ils me donnent encore plus. Il existe une certaine affection entre nous l’espace de quelques instants. Après, je ne les revois jamais. » Une manière de donner à l’instant une incroyable intensité.

Anne-Sophie Jahn