Delacroix et la nature

C’est un petit coin de nature manucurée caché derrière une façade de la place de Furstemberg, une des plus belles de Paris. Au fond d’une cour pavée, le musée Delacroix, fondé en 1932 par Maurice Denis, Paul Signac et Édouard Vuillard pour rendre hommage au peintre romantique mort en 1863, est un lieu enchanteur. Et en plein printemps, il est de bon ton d’explorer la relation qu’entretenait l’artiste à la nature.

Une nature imaginaire…

Que regarde-t-il, ce tigre paisible, allongé sur le flanc, l’air étonné ? Serait-ce le peintre, dont le pinceau dessine la douce fourrure ? Impossible, car Eugène Delacroix ne peint ni la nature ni les animaux en situation, mais depuis sa maison et atelier de Saint-Germain-des-Prés, dont il a lui-même dessiné les hauts murs et qui est devenu son musée. Pour ce Jeune tigre jouant avec sa mère, une grande huile sur toile de 1831, il s’est inspiré des fauves observés à la Ménagerie où il croque leur anatomie pour réussir ensuite à intégrer dans ses compositions des bêtes incroyablement vivantes et expressives. Dans les couloirs des anciens appartements de l’artiste, on compare une corneille naturalisée à celle dessinée dans ses carnets, des sculptures de tigres et ceux de ses lithographies… Et son imaginaire leur rend leur mouvement naturel.

…au service de l’Histoire

« Quelle sympathie j’éprouve pour les animaux ! (…) Quelle variété la nature a mise dans leurs instincts, dans leurs formes que j’étudie sans cesse, et à quel point elle a permis que l’homme devînt le tyran de toute cette création d’être animés et vivant de la même vie physique que lui ! », écrit-il dans son journal. Peintre de l’Histoire, Delacroix met le vivant au service de scènes grandioses ou pittoresques. Le serpent et le cheval de son chef-d’œuvre La Mort de Sardanapale ne sont là que pour illustrer les morts certaines des concubines et eunuques avec leur roi. Entre deux séances de travail, Delacroix descend les quelques marches de son atelier pour prendre l’air dans son ravissant jardin. Suivons-le !