Catherine Sellers : une vie de théâtre

À travers une centaine de documents sélectionnés parmi les 2 000 photographies, lettres, carnets, costumes, affiches et programmes de spectacle léguées par le couple Sellers-Tabard, la Bibliothèque nationale de France revient sur l’intense carrière d’une des plus grande comédienne du XXe siècle dans son exposition Catherine Sellers – Une vie de théâtre.

Tragédie et survie

Sa une vie commence comme une tragédie. Née à Paris en 1926 dans une famille juive tunisienne, Jacqueline Andrée Toubiana-Tabbah perd son père dans les camps de concentration et se réfugie avec sa mère en Tunisie. Avec ses pommettes saillantes, son teint d’ivoire, son regard aussi sombre que ses cheveux et sa voix frémissante, elle a une présence inouïe, une subtilité de jeu que les metteurs en scène s’arrachent. Sous le nom de Catherine Sellers, elle est vite reconnue comme une des meilleures actrices de sa génération.

La femme aux 1 000 visages

Catherine Sellers a fait résonner les mots de Beckett, Claudel, Michaux, a donné vie à leurs personnages… Dans La Mouette de Tchekhov, elle incarne Nina, une aspirante actrice courtisée par un écrivain. Dans le public, Albert Camus tombe sous son charme. Il lui offre des rôles dans Requiem pour une nonne de Faulkner (1956) et Les Possédés de Dostoïevski (1959). « Pour la première fois, touché au cœur par une femme, sans nul désir ni intention ni jeu, l'aimant pour elle, non sans tristesse », écrit-il dans ses Carnets. Ils vivront une passion qui ne s’éteindra qu’à la mort de Camus, dans un accident de voiture, à l’aube de 1960. La même année, elle bouleverse Avignon avec son interprétation d'Antigone, sous la direction de Jean Vilar. La tragédienne endosse ensuite les peines d’Andromaque de Racine et éblouit Marguerite Duras, qui lui offre les rôles principaux dans trois films : Détruire, dit-elle (1969), Jaune le soleil (1971), La Femme du Gange (1974), et la fait jouer dans ses pièces. En couple avec l’acteur Pierre Tabard, elle créa avec lui une compagnie de théâtre, et brûla les planches jusqu’à peu avant sa disparition en 2014, à l'âge de 87 ans.

Anne-Sophie Jahn